REUSSIR LES
PROJETS : UN ENJEU COLLECTIF
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Présentation
de Jean-Louis Galano lors d’un petit-déjeuner débat organisé en partenariat
avec Flex Développement. |
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La problématique Toutes les entreprises font
des projets. Beaucoup d’entre elles ont normalisé leurs processus de gestion
de projets et ont mis en place des dispositifs de formation, parfois très
formalisés. Certaines frustrations dans la conduite des projets demeurent pourtant.
De nombreuses bonnes pratiques de conduite de projet partent en effet du
principe que la réussite d’un projet repose sur des compétences individuelles
universelles du chef de projet. Elles font souvent abstraction du contexte de
l’entreprise dans laquelle ces projets sont conduits. Pourtant, il n’est pas
d’activité plus systémique que la conduite de projets. Des pratiques bien connues
pour conduire les projets La présente réflexion
provient de nombreuses observations lors de nos interventions en entreprises
dans le domaine des projets, et notamment nos interventions de formation. En effet, le sujet du
management de projet donne lieu depuis de très nombreuses années à de
multiples actions de formation. Par ailleurs la conduite de
projets a donné lieu à de multiples normes et à une standardisation
internationale poussée. Je citerai le PMBok, produit par le PMI, qui est un
riche recueil de processus et de bonnes pratiques de conduite de projets. Le
PMI est situé aux Etats-Unis. Nous avons en Europe l’IPMA qui définit des
compétences que doit avoir un chef de projet. Il y a également en Angleterre
Prince 2 qui lui aussi définit des processus de gestion de projets. Nous
connaissons également le CMMi qui lui définit des critères de maturité d’une
entreprise en conduite de projets. Tous ces référentiels sont
intéressants. Ils apportent des informations utiles à celui qui veut
développer les compétences de son entreprise en conduite de projets. J’ai
bien dit les compétences de son entreprise, parce que ce que nous observons
habituellement, c’est l’idée le plus souvent implicite selon laquelle la
conduite des projets de l’entreprise dépendrait des seules capacités des
chefs de projets, et parfois de celles des contributeurs au projet. Sur le
plan intellectuel, le caractère collectif des projets est pourtant bien
compris, c’est d’ailleurs l’objet du CMMi, qui lui décrit les qualités que
doit avoir une entreprise pour assurer à ses clients que ses projets seront
bien traités. Il semblerait donc que tout
est fait et bien réfléchi dans le domaine de la conduite des projets, et nous
ne doutons pas que les recherches fort utiles sur le sujet ne s’arrêteront
pas et qu’elles amélioreront de plus en plus la conduite des projets.
Toutefois, nous pensons qu’il faut rester prudent. En effet, tous les manuels
de bonnes pratiques qui peuvent exister doivent être mis en place en tenant
compte de la spécificité de l’entreprise. Quand je dis spécificité, je
pourrais parler de son identité, de sa culture, de son organisation, c'est-à-dire
de tout ce qui fait qu’elle est unique et différente des autres. Le cas d’une entreprise de
télécommunications : méthodologie risque et culture du parapluie Cette entreprise conduit en
permanence un très grand nombre de projets dont beaucoup sont des projets
informatiques. Elle a également structuré et formalisé la manière de traiter
ses projets. Le vocabulaire est défini et partagé, des référentiels de
conduite de projets décrivent les processus dans le détail, un plan de
formation progressif à plusieurs étages est proposé aux personnels. La
quasi-totalité des acteurs des projets suivent ce parcours. Une filière projet est en
place ; elle permet aux directeurs et chefs de projets de faire des échanges
de pratiques. Cette entreprise, comme beaucoup d’autres, a été séduite par la
méthodologie de la gestion des risques dans les projets qui s’est répandue il
y a maintenant 10 ou 15 ans. Elle a donc décidé de mettre en place une
formation sur la maîtrise des risques dans les projets. Cette formation de
deux jours plait beaucoup : les gens en sortent plutôt contents. Elle est
dispensée depuis une dizaine d’années. Cette entreprise a même essayé de
mettre en place un processus de maîtrise des risques dans les projets, mais
elle n’est pas allé jusqu’au bout. |
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Il a donc été décidé, de
manière implicite, d’en rester à la formation. Les formations se passent
toutes très bien, les gens en ressortent satisfaits, et ils passent avec
succès les tests de compréhension et de capacité que nous leur proposons. Cela
montre qu’ils ont compris le message que nous leur avons donné, et qu’ils
sont capables de mener à bien le processus et de le maîtriser. Toutefois, lorsqu’ils sont
questionnés sur la mise en œuvre effective des pratiques qui leur sont
enseignées, nous sommes surpris par le fait que ces pratiques semblent assez
peu être mises en application dans leur quotidien. Pourtant, pour certains
d’entre eux, leur propre chef a été formé, et même dans certains cas le chef
de leur chef. Quelles traductions faisons-nous
de cette situation ? Manifestement le besoin persiste, la preuve c’est que
les formations sont maintenues, et des stagiaires s’y inscrivent ou sont
inscrits par leur hiérarchie. Notre deuxième conclusion,
c’est que le niveau de compétence qui leur est donnée, est jugé satisfaisant
par l’organisation, c'est-à-dire les stagiaires eux-mêmes, mais également
leur hiérarchie et la direction des ressources humaines. Mais alors, pourquoi est-ce
que cela ne fonctionne pas encore mieux. Pourquoi n’y a-t-il pas une plus
grande mise en œuvre? La réponse à ces questions
nous est parfois donnée par certains stagiaires. Ils nous disent par exemple
: « notre hiérarchie nous demande de faire remonter les risques, mais lorsque
nous le faisons, elle semble assez ennuyée, et peut même parfois adopter des
postures agressives à notre encontre ». Pour d’autres, la demande est
de faire remonter les risques, mais uniquement si des actions ont été menées
pour traiter ces risques. D’autres enfin nous disent que les services de
contrôle de gestion leur demandent une mesure du Retour sur Investissement de
la mise en place du dispositif de maîtrise des risques. Toutes ces remarques, ces
attitudes, ces questions, vont à l’encontre de la méthodologie de traitement
des risques dans les projets. Le but n’est pas ici
d’exposer cette méthodologie, mais si nous revenons à quelques-unes des
questions posées et demandes formulées, « faites-nous remonter les risques
dès lors qu’ils ont été traités, ne nous faites pas remonter les risques qui
n’ont pas été traités » on peut se demander à quoi cela sert à une direction
de savoir comment un risque auquel, dans beaucoup de cas, elle n’avait pas
pensé elle-même, a été traité. Cela peut bien sûr la
rassurer, et c’est probablement l’intention qui est derrière cela. Toutefois,
nous savons que dans les projets, il y a des risques que le chef de projet ne
peut pas traiter ou assumer seul. Cela peut être là le rôle d’une hiérarchie
dans une démarche de maîtrise des risques. Manifestement, cette prise de
responsabilité par rapport à certains risques du projet n’est pas acceptée.
Il est même probable qu’elle n’est pas connue ni comprise. Nous pouvons dire que les
chefs de projets de cette entreprise sont dans une situation d’injonction
paradoxale. Ils reçoivent une formation, qui est réputée être bonne, qui leur
donne des moyens d’action qu’ils sont supposés mettre en œuvre, mais leur
hiérarchie leur demande de ne pas mettre en œuvre ces moyens. Pourquoi ?
Parce que la hiérarchie ne connaît pas complètement son rôle dans la mise en
œuvre de cette fonction du management de projets. Mais il n’y a pas que la
hiérarchie. En effet le principe du contrôle de gestion qui exige que la
rentabilité de toutes les actions définies soit mesurée au préalable et que
cette rentabilité soit tenue ne s’applique pas au cas de la maîtrise des
risques dans les projets. Ce type de contrôle de gestion s’applique à des
activités sans risque, qui ne sont pas des activités projets, parce que le
risque est inhérent à tout projet. |
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Cette situation montre qu’une
des fonctions de la conduite de projets, ici le management des risques, est,
sur un plan purement rationnel, bien utile ; mais elle ne peut pas être
remplie par le seul chef de projet ou même par l’équipe de projet. Cette fonction doit être mise
en œuvre par l’entreprise dans son ensemble. Mais alors, certains pourraient
dire qu’on pourrait très bien décrire un processus de gestion de risques et
attribuer les différentes tâches et opérations de ce processus aux différents
acteurs. Une telle démarche est bien
utile, mais encore insuffisante, car en faisant cela, on n’aborderait
probablement pas deux aspects essentiels des risques : son traitement
émotionnel dans la culture de l’entreprise et les stratégies d’acteurs qu’ils
peuvent susciter. Le cas d’une entreprise de
BTP: planifier pour se faire battre Cette entreprise avait lancé
un grand plan de formation à la planification de ses projets. La formation
était très adaptée aux projets qu’elle
menait. Les chefs de projets comprenaient là encore très bien ce qui
était enseigné, et ils sortaient tout à fait capables de mettre en œuvre la
méthode. Le problème toutefois que
certains évoquaient, c’est que quelle que soit la qualité de leur planification, cette
planification devait tenir compte de ressources humaines impliquées dans les
projets, qui, elles, n’étaient pas du tout gérées. Un chef de projet pouvait
donc faire un planning en disant qu’il aurait les ressources humaines pour
réaliser les tâches planifiées, sans être sûr que ces ressources seraient
disponibles aux dates prévues. Le planning était donc théorique, quelle que
soit la bonne volonté des chefs de projet, quelle que soit leurs compétences
en planification. Ces chefs de projets été
soumis à d’autres obstacles organisationnels en relation avec la
planification. Par exemple, il y avait dans leurs projets près de 60% d’achat
en moyenne. Or les tâches d’achat n’étaient pas gérées dans les projets. Elles étaient gérées à l’intérieur de la
direction des achats qui avait une politique d’achat adaptée à ses propres
objectifs qui étaient de réduire les coûts d’achat de 20 %. Et ce quels que
soient les effets sur les plannings. De plus, le service de
contrôle de gestion exigeait des chefs de projets que les marges réelles de
leurs projets soient supérieures ou égales à ce qui était prévu. Les chefs de projets qui n’y arrivaient pas
avaient des problèmes. Par contre, ceux qui dépassaient la marge prévue n’avait aucune forme de
récompenses. Ils étaient dans la normalité. Dans ce contexte, un chef de
projet qui avait deux projets, dont un avait des chances de dépasser la marge
prévue, et l’autre de ne pas l’atteindre, ce chef de projet avez intérêt à mutualiser
des dépenses sur les deux projets pas un système de vases communicants par
lequel certaines dépenses utilisées sur un projet été payées par l’autre
projet. Ceci bien entendu n’était pas
permis de part les procédures internes, mais il n’y avait aucun moyen de
contrôle. Pour pouvoir faire cela, les chefs de projet n’avaient aucun
intérêt à faire un planning détaillé. Nous voyons dans ce deuxième
exemple à quel point des procédures internes peuvent aller à l’encontre de la
mise en œuvre de bonnes pratiques de conduite de projets. Comment faire plus efficace? Les exemples de ce type ne
manquent pas. Ils montrent tous à quel point la mise en place d’un dispositif
efficace de gestion de projets ne peut être uniquement prescrit par des
bonnes pratiques externes à l’entreprise. La plupart des entreprises que nous
accompagnons dans des actions de formation y sont sensibles. |
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En effet, nous proposons en
amont d’actions de formation en conduite de projets une phase d’ingénierie
dans laquelle nous faisons une analyse préalable du besoin. La plupart de nos
clients acceptent cette analyse, mais quand nous relevons dans cette phase,
ou en cours de formation, des dysfonctionnements collectifs, qu’ils soient
d’ordre organisationnel, culturel ou stratégique, ces dysfonctionnements ont
du mal à être traités. Nos contacts nous rappellent
que la commande est bien une commande de formation. Il n’est pas question de
changer l’entreprise, mais il question de changer les chefs de projets et les
acteurs clés des projets. C’est à eux de s’adapter et pas l’inverse, et le
tout avec l’obligation de gagner en efficacité en appliquant des bonnes
pratiques universelles de conduite de projets. Mais alors que faut-il faire
? Faudrait-il changer l’entreprise si on a de temps en temps un projet à
mener ? Non bien entendu, aurait-on envie de dire. La problématique n’est pas la
même pour une entreprise qui mènent des projets de temps en temps et pour
celles qui ne font que mener des projets, ou celles pour lesquelles la conduite de projets est
devenue une activité majeure, critique ou vitale. Pour tout vous dire, dans ce
monde qui bouge à une vitesse parfois effrayante, peu d’entreprises peuvent
se permettre le luxe de ne pas mener des projets en permanence. La question
touche donc la plupart des entreprises, presque toutes. Ce qu’il faut faire donc,
c’est d’abord d’avoir une vision lucide sur sa capacité collective à mener
des projets. Les référentiels et standards internationaux préconisent ou
mesurent la mise en place de telle ou telle bonne pratique ou processus. Ils
ne mesurent pas la capacité de l’entreprise à atteindre les objectifs qu’elle
s’est fixés. En conduite de projets comme
en management de manière générale, on observe une forme d’auto
médicamentation des entreprises souvent à partir de produits qui ont
fonctionné ailleurs. Mais attention aux effets indésirables de certains
médicaments ! Parce qu’après tout,
qu’est-ce qui compte ? Appliquer des bonnes pratiques ?, ou réussir ses
projets ? Si selon vos critères, vos projets sont réussis, si vous en êtes
satisfaits, si ceux qui travaillent en ressortent satisfaits, alors pourquoi
changer ? Certaines diront peut-être
que, même quand tout va bien, on peut toujours faire mieux. D’accord, mais alors,
définissez bien votre ambition. Définissez bien la cible. Et c’est l’écart
entre le réel et l’ambition qui va définir le plan d’action à mettre en œuvre
et non pas la volonté d’appliquer telle ou telle bonne pratique. Le deuxième point, lorsqu’on a
défini un véritable besoin d’amélioration, c’est de comprendre cet écart.
L’usage des bonnes pratiques ne viendra qu’à partir de l’analyse de ces
écarts, mais dans tous les cas, une attention devra être portée à la capacité
de mise en œuvre et aux effets collatéraux de ces bonnes pratiques. Nous pouvons vous aider à
réaliser un diagnostic de votre organisation projet, notamment à partir de la
grille d’analyse suivante, en
vérifiant si : - 1 La notion de projet
est définie et partagée. - 2 Les objectifs des projets
contribuent aux objectifs stratégiques de l’entreprise. - 3 Les projets produisent
les livrables attendus. - 4 Ces livrables sont
utilisés. - 5 Les livrables des projets
présentent un bon niveau de qualité. - 6 Les livrables sont livrés
aux moments les plus opportuns. - 7 Les projets
utilisent le juste niveau de
ressources. - 8 Les contributeurs aux
projets en ressortent avec le sentiment d’avoir vécu une expérience
gratifiante. - 9 Les autres activités de
l’entreprise ne sont pas pénalisées par les projets. - 10 La maîtrise des projets
s’améliore de projet en projet. |
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